Comme l’étaient son père, son oncle, son grand-père et son arrière-grand-père, il est à la tête de la pépinière familiale, fondée en 1912. Suite de notre série d’été sur les métiers en héritage, avec Matthieu Velé, horticulteur près d’Angers.
Matthieu Velé a repris l’année passée les rênes de la pépinière familiale, fondée en 1912.
Elles sont rose bonbon ou jaune pâle. Sphériques ou étoilées. Déployées ou fermées. Les fleurs de la pépinière Ernest Turc à Loire-Authion (Maine-et-Loire), sont d’une beauté rare. Fondée il y a plus de 110 ans, cette société familiale spécialisée dans les bulbes à fleur, a vu passer quatre générations d’horticulteurs.
2 500 variétés de plantes
Aujourd’hui, c’est Matthieu Velé, arrière-petit-fils du fondateur du lieu, qui veille avec passion sur ces jardins empreints d’histoire. Cet homme de 39 ans, qui a repris les rênes de l’entreprise il y a un an, nous ouvre les portes de cet éden floral au côté de son père, Michel Velé, âgé de 76 ans.
Ce sont près de 2 500 variétés de plantes, dont 250 créations, qui jonchent les sols des deux sites de l’entreprise, l’un en Bretagne, l’autre ici, dans la vallée de la Loire. Dahlias, narcisses, alstroemères, cannas… Des variétés aux formes aussi diverses que fascinantes. « Je ne comprends toujours pas comment la nature produit ces merveilles », s’extasie Matthieu. Il a les yeux qui pétillent dès qu’il parle de son métier. Nous aussi.
« La succession a permis à la pépinière de tenir »
Cette abondance de plantes est le fruit de plus d’un siècle de transmission de savoir-faire. Michel Velé évoque avec nostalgie les colporteurs fleuristes de l’Oisans (Alpes), au XIXe siècle. Adolphe Turc, l’un d’eux, s’installe en Anjou où les terres sont idéales pour la production d’oignons à fleurs. Il transmet sa passion à son fils, Ernest, arrière-grand-père de Matthieu, qui fonde une entreprise spécialisée dans les bulbes à fleurs, en 1912. À sa tête, se sont succédé Robert Turc, Michel Velé et Bertrand Turc, oncle de Matthieu. Chaque génération a apporté sa touche personnelle, tout en préservant la tradition du geste manuel.
L’année passée, Bertrand Turc a souhaité vendre l’entreprise. Mais rien ne laissait présager que ce soit Matthieu Velé qui prenne la relève. « Nous sommes tombés des nues, avec ma femme, lorsqu’on a appris la nouvelle ! », s’étonne encore Michel.
Il faut dire que son fils n’a pas suivi de formation horticole. Il a travaillé dans la branche énergétique et la gestion d’usine. « Mais j’ai toujours eu un intérêt pour la fleur. Je passais mon temps dans les champs étant petit », spécifie le jeune repreneur de la pépinière, qui compte une soixantaine de salariés.
Tradition qui se perpétue
Derrière la joie de Michel de voir la tradition familiale se perpétuer, il y a aussi de l’inquiétude. « Je sais à quel point il est difficile d’avoir des productions rentables, surtout devant la géante horticole qu’est la Hollande. » Au fil des années, ce père a vu les autres pépinières en Anjou disparaître. « Je pense que ce qui nous a permis de tenir pendant un siècle, c’est la succession. » Matthieu Velé renchérit : « La famille a su faire preuve de résilience dans des moments difficiles. » Comme l’année passée, où la sécheresse a causé une perte de 30 % de récoltes.
Conscient des aléas du métier, Matthieu Velé imagine-t-il à son tour transmettre l’entreprise aux jeunes de la famille ? « Je ne sais pas », déclare-t-il en riant. « Il vient à peine de reprendre l’entreprise, il a le temps d’y penser », s’amuse son père.
Des pratiques qui évoluent
Le dirigeant se soucie plutôt de faire évoluer la pépinière vers des pratiques écoresponsables. « Nous sommes en train de convertir 10 hectares en bio. » Lors de nos déambulations dans les jardins de dahlias, il désigne de sa main une zone : « Ici, nous n’utilisons plus aucun traitement. C’est pour ça qu’il y a des mauvaises herbes ! » Une manière de concevoir l’horticulture différente de celle de son père. « Avant, nous n’aurions pas toléré ces mauvaises pousses. Mais je pense que c’est une bonne chose que l’on revienne à des pratiques plus naturelles », souligne Michel Velé.
Un retour vers la simplicité qui, Matthieu l’espère, incitera les amateurs de fleurs à cultiver leurs plantes et leur potager. « Près de 90 % des fleurs coupées sont produites à l’étranger. Nous voulons montrer qu’il est possible d’avoir des plantes fraîches et locales chez soi. » Matthieu Velé met ainsi en lumière la beauté intemporelle de la nature, et l’importance de préserver cet héritage pour les générations futures.