Douai : la taxe foncière du Petit Moulin s’envole avec les rêves du propriétaire. Veut-on encore d’une grande surface commerciale en centre-ville ? Jean Bouchært en doute. Sa taxe foncière 2014 atteint des sommets abyssaux. Faute de pouvoir faire face sur le long terme, il envisage de tirer le rideau de la jardinerie Au Petit Moulin. Le sort de quatorze salariés est en jeu.
Jean Bouchært, 62 ans, retient ses larmes : « J’avais prévu de transmettre l’affaire à mon fils Pascal. En bon père de famille, je n’ai pas le droit. » En réalité, ce que risque de léguer le patron d’Au Petit Moulin, une jardinerie, animalerie, fleurs, produits bio…, c’est un pas-de-porte vide de 1 454 m2. Qui, bien que situé en centre-ville, près de la place du Barlet, rue de la Tour-de-Bourgogne, sera invendable en l’état.
Les tourments de Jean Bouchært remontent à 2013. Cette année-là, il établit une nouvelle déclaration de ses surfaces commerciales. « J’ai appelé les services des Impôts qui m’ont dit que ma déclaration fiscale regrouperait la totalité des surfaces de mon exploitation. » Soit la surface commerciale et des surfaces secondaires acquises au fil des années. Simple formalité se dit Jean Bouchært qui, chaque année, règle rubis sur l’ongle 41 071 € de taxe foncière. L’homme est d’autant plus serein qu’il possède un dossier, « remontant aux années 2000 » du géomètre des Impôts attestant de la surface totale. Erreur. L’impôt foncier 2014 tombe : 58 076 €. Pas besoin de calculette : 40 % d’augmentation.
Jean Bouchært accuse le coup. « Je n’ai pas eu la volonté de cacher quoi que ce soit. » La contre-attaque suit. Le commerçant réclame aux Impôts un réexamen des bases qui ont conduit à établir sa taxe foncière 2014. « On me taxe le mètre carré de façade au même prix qu’au fond du magasin où je vends de la paille », dit-il en repensant à la taxe foncière acquittée par son collègue de La Serre Dambrine en centre-ville de Sin-le-Noble : 5 704 € !
Pour établir son impôt foncier, les services fiscaux ont pris pour base de référence une boutique de téléphonie située 117, rue Saint-Jacques. Jean Bouchært fait les yeux ronds. Fait incroyable, le directeur des impôts fonciers lui faxe une liste de commerces de référence en lui disant d’en choisir un à partir duquel il établira sa réclamation. Une réclamation qui viendrait en surplus des 20 % de décote accordés par le fisc. Le hic, c’est qu’aucun des commerces n’a ni la même surface, ni la même rentabilité, ni la même valeur locative – « J’ai passé mon loyer de 106 992 € à 81 000 € pour tenir compte de la baisse sensible de la valeur vénale de l’immeuble » – que le sien. Dans la liste de référence, il n’y a aucun grand commerce des années 70 : Boldoduc, Dame de France, Printemps… Par effet mécanique, sa cotisation foncière des entreprises (CFE) passe de 15 000 € à 30 000 €. Même chose de la taxe sur les ordures ménagères, de l’impôt sur les grandes surfaces. Jean Bouchært broie du noir : « J’ai maîtrisé mes charges (loyer, salaires…) à la suite de plusieurs exercices déficitaires. Si rien ne bouge, je serais contraint de fermer boutique. »
Un commerce emblématique
Le commerçant a frappé à beaucoup de portes : celles de la mairie, de l’Union des commerçants de Douai (UCD), des unions et syndicats des commerçants et artisans du Douaisis (FUSCAD)… Partout, il a été bien reçu. À la ville de Douai, le service financier cherche un biais juridique (un commerce de référence dans une commune voisine) pour trouver une issue favorable à son dossier. Sylvie Debreyne, la présidente de l’UCD, s’est démenée : « Je l’ai mis en contact avec la chambre de commerce et d’industrie. J’ai alerté par mail Christian Poiret, le président de la Communauté d’agglomération du Douaisis. Au Petit Moulin est l’un des commerces les plus emblématiques de Douai. »