Demain débute la dixième édition de la semaine pour les alternatives aux pesticides. Dans la Nièvre, des collectivités ont déjà fixé l’objectif zéro phyto.
« Pourquoi pas carrément supprimer l’utilisation des pesticides plutôt que simplement vouloir les réduire?? » En 2008, c’est la question rhétorique que se sont posée les employés des Espaces verts de la Ville de Clamecy au lendemain de l’élection de Claudine Boisorieux.
Aussi, dès le printemps suivant, une brigade verte composée de Clamecycois engagés via des contrats aidés a été formée. L’objectif?? Délaisser les produits chimiques utilisés par l’ancien prestataire pour le désherbage. Et désormais effectuer cette opération sur la voirie à l’aide de désherbeur thermique dans un premier temps, puis mécanique.
« Expliquer que l’herbe, ce n’est pas sale »
Ce travail de fourmi, plus répétitif et répondant à une logique de gestion différenciée, s’est accompagné d’un discours commun. « Nous nous sommes basés sur le fait de dire que l’herbe, ce n’est pas sale », se rappelle Marc Chardonnet, responsable des Espaces verts de la Ville.
« Ça s’est aussi vu sur l’exubérance du fleurissement, car les engrais organiques sont moins pointus que les engrais minéraux. » Un fleurissement moins tape-à-l’œil à base de plantes vivaces et plus hautes qui n’a pas empêché la ville de conserver ses « trois fleurs » au classement des villes fleuries.
Aujourd’hui, nombreuses sont les communes nivernaises à s’engager dans la voie de la réduction de l’utilisation de produits phytosanitaires. C’est le cas de Brassy, 653 habitants. « Le bourg se situe à proximité de zones humides. Il faut être vigilant », explique l’édile Jean-Sébastien Halliez. « Mais les gens se sont habitués. » Là aussi, depuis plusieurs années, les pesticides ont été remplacés par les désherbeurs thermiques. Et les produits chimiques ne restent cantonnés qu’au seul site du cimetière, comme c’est le cas à Clamecy. « C’est un lieu qui reste sensible. C’est plus difficile d’aller expliquer aux gens qu’il y aura de l’herbe sur les tombes. À cause de joints trop fins entre les tombes et la présence de graviers, c’est impossible sans désherbant », regrette Marc Chardonnet.
Le désherbeur thermique, Olivier Chesneau, responsable du service gestion des routes du Conseil général de la Nièvre, aimerait bien s’en passer. « Ce n’est pas l’option la plus adaptée. Niveau bilan carbone et émission de CO2, ce n’est pas terrible », souligne-t-il. Depuis près de dix ans, le Conseil général essaie en effet de passer du « pas beaucoup de phyto à plus du tout » pour ses 4.400 km de routes départementales. Des 905 litres de pesticides utilisés en 2005, le service est passé à moins de 80 litres l’an dernier. « Et on vise le zéro phyto pour 2015. »
Une volonté écologique qui correspond aussi à un besoin réglementaire pressant. À partir du 1er mai 2016, avec l’application de la loi Labbé, les collectivités publiques se verront interdire l’utilisation des produits phytopharmaceutiques. « Mais je redoute que l’interprétation soit à géométrie variable. Ce sont surtout les lois de 2020 et 2022 sur l’interdiction de vente des pesticides qui seront concrètes. »
Dans les jardineries, un travail sur les mentalités qui prend du temps
« Au début, on se faisait insulter », se souvient Arnaud Carpentier. C’était en 2008 et le magasin Botanic de Nevers dans lequel il travaille mettait fin à la vente d’engrais chimiques.
« Financièrement, on a perdu gros », reconnaît Pascal Poidvin, le responsable du magasin. « Nous sommes dans un département rural où certains gens sont encore habitués à traiter avec ces produits-là. Difficile d’expliquer à la personne âgée qui traite sa salade avec tel produit chimique depuis quarante ans qu’il doit passer au bio », sourit-il. « À nous de jouer ce rôle de conseil. Les engrais naturels nécessitent plus d’explications », poursuit Arnaud, responsable adjoint. « Au final, l’effet est pourtant le même C’est avant tout dans la tête des gens. »
Résultat?? De plus en plus de clients ont pris le pli. « Les jeunes couples surtout. Ils sont plus réceptifs », se félicite Isabelle Girard, responsable de la jardinerie Gamm’Vert, à Nevers. « Notre travail est de faciliter ce changement de mentalités. Il faut juste savoir laisser l’écosystème se mettre en place. Le résultat n’en sera que meilleur. »