La folle année 2021 est terminée pour les professionnels du jardinage. Alors que le printemps a commencé il y a plus d’un mois, la saison 2022 n’a pas réellement commencé dans les grands points de vente. Les petites structures indépendantes s’en sortent mieux.
L’atterrissage est rude pour les jardineries après l’engouement des Français pour leur espace vert. « Tout le monde est à -20 ou -25 % par rapport à l’année dernière », glisse un fournisseur. « Nous ressentons clairement la consommation qui fléchit », dit un autre.
Chez Jardineries et Animaleries de France, personne ne veut se laisser aller au pessimisme mais le directeur général Etienne Bodin concède une inquiétude des professionnels, dès le début de l’année, ne serait-ce que parce que le marché a la mauvaise habitude de bien fonctionner une année sur deux. « Nous pensions revenir aux chiffres de 2018, mais la guerre en Ukraine et la période électorale n’arrangent rien », constate-t-il de son poste d’observation.
La fédération représente 1.700 points de vente, majoritairement sous grande enseigne comme Jardiland (InVivo), Truffaut et autres Botanic, mais pas seulement, et pèse 3,5 milliards d’euros de chiffre d’affaires pour 21.000 salariés. Hors de son radar, 400 petites jardineries indépendantes tentent de survivre au mouvement de concentration.
Fermées au début du printemps lors du premier confinement – la pire période pour baisser le rideau dans le secteur -, les entreprises ont finalement pu éviter l’accident industriel et afficher en 2020 une progression de 1,1 % de leurs ventes.
Deux ans plus tard, qu’en est-il ? « Nous envisagions 2022 avec précautions et humilité, confie un directeur de jardinerie. Aujourd’hui nous nous rendons compte qu’un mois après le début du printemps, la saison n’a même pas encore commencé. »
Désorganisation de la chaîne d’approvisionnement
Pour l’heure, les jardineries encaissent en moyenne un recul de 20 % de leurs ventes par rapport à une année 2021 exceptionnelle. La croissance globale des ventes avait alors atteint +15 % sur un an et +20,5 % par rapport à 2019.
« Nous sentions un engouement pour le végétal depuis plusieurs années, indique Etienne Bodin. Mais le jardin vivrier, et le potager en particulier, ont vraiment explosé avec le Covid dans le sillage de la tendance de fond du fait maison. » Pour la profession, les chiffres 2021 sont simplement « historiques ». Depuis les années 1990, elle se réjouissait une année sur deux de progressions de 3 %, comme en 2019 (+3,4 %). « 2021 ne se reproduira jamais, nous en sommes certains », proclame Etienne Bodin. D’autant que les températures du début de ce printemps n’ont pas été particulièrement propices à l’envie de jardiner.
2021 ne se reproduira jamais, nous en sommes certains.
Etienne Bodin Directeur général chez Jardineries et Animaleries de France
Les jardineries sont, par ailleurs, bridées par des difficultés d’approvisionnement. « Une partie des produits importants pour leur activité, comme l’alimentation pour animaux domestiques, les semences et les engrais, viennent normalement d’Ukraine , explique Etienne Bodin, sans parler de la désorganisation de la chaîne d’approvisionnement faute de chauffeurs russes ou ukrainiens. »
Jardineries indépendantes
La situation a tendu les négociations commerciales avec les grandes enseignes, très positionnées sur le prix, mais elle profite indirectement aux jardineries indépendantes. « Plusieurs fournisseurs sont venus nous trouver pour nous proposer des partenariats plus équilibrés, et ce, tous produits confondus », témoigne Stéphane Drecq, le directeur général du groupe de jardineries indépendantes J’Dea.
Dans l’incertitude actuelle, les petites structures ne s’en sortent pas si mal. Le marché y semble moins poussif. Pendant le Covid, elles ont eu davantage de souplesse pour rouvrir, remobiliser leurs salariés et organiser des roulements de salariés, et ont attiré de nouveaux clients, contraints en temps et en distance. « Nous avons récupéré beaucoup de nouveaux clients », confirme Jean-Christophe Gaudin, associé en charge du marketing de J’Dea. En 2021, la croissance du groupement a dépassé 25 % par rapport à 2019 ; elle atteint aujourd’hui plus de 10 %.