«Turenne, c’est un nid d’amour ! ». Attablé à la terrasse du café place de la Halle, Jean-Luc Petit semble à son aise. Serein. Son ami Graham à ses côtés, il salue les connaissances qui défilent, d’un large sourire. En face, sa boutique de « petite maroquinerie », sur laquelle il jette de temps en temps un ‘il attentif en touillant son énième petit noir de la matinée.
Comme pour toute la saison estivale, il a fait le trajet depuis Issendolus, dans le Lot voisin. « Quarante minutes aller, quarante retour. C’est dire si je suis amoureux de Turenne », s’amuse-t-il. « Il y a beaucoup de tranquillité ici, et puis le public est de qualité. Les gens qui viennent s’intéressent au patrimoine, à l’architecture, donc aussi à l’artisanat ».
Partenariat
Pourtant, son magasin de 15 mâ, niché dans un recoin de la place, ne représente qu’une partie de la petite entreprise de Jean-Luc Petit, « Quercy cuir ». Depuis 2009, l’homme a en effet conclu un partenariat avec une grande surface de jardinerie. « Au départ, je suis client chez eux », raconte l’artisan. « Et puis j’ai vu des articles en cuir de mauvaise qualité, des ceintures importées de l’étranger… » Jean-Luc Petit retrousse alors les manches de sa marinière, et devance la mode du made in France, en allant de lui-même démarcher le géant vert. « Je suis allé les voir avec un projet », expose-t-il. « Je leur ai proposé une collection de fabrication française. On a fait un premier essai dans le Lot. Comme ça marchait pas mal, nous avons testé sur un deuxième département l’année suivante, et ainsi de suite. Aujourd’hui, je livre 80 magasins de la marque tout au long de l’année ». Une réussite commerciale qui lui a permis de pérenniser une entreprise jusque-là plus fragile, au point d’envisager l’embauche d’un salarié.
Mais pour réussir ce tour de force, le Turennois d’adoption a été contraint de s’adapter. « J’ai fait évoluer l’atelier, j’ai rationalisé le travail », avoue Jean-Luc Petit. « Tout le montage est manuel, mais maintenant, la découpe se fait à la machine, c’est ce qui m’a permis de gagner beaucoup de temps, car il faut produire énormément ».
Question d’image
Pas une raison pour autant de laisser tomber la boutique. « Une entreprise ne peut se reposer sur un seul client », prévient-il. « J’ai négocié avec Gamm Vert pour pouvoir être ici pendant la saison estivale. Ça me permet de proposer à la boutique une collection qui m’est personnelle, cette fois ».
Une organisation qui « permet à l’entreprise de survivre. Une de ces activités, seule, ne suffirait pas. Ils ont fait un effort, et j’en ai fait également ». Légitime, car le partenariat ainsi noué ne semble faire que des gagnants. D’un côté, Jean-Luc Petit s’ôte du pied une partie de l’épine de l’incertitude commerciale, menace habituelle de l’artisan. De l’autre, l’enseigne renforce son image locale en proposant un produit « d’ici ».
« Il est possible de créer un élan économique »
C’est à ce prix seulement que le « petit artisan » peut travailler en bonne intelligence avec un groupe aussi important, sans galvauder le côté authentique de la production. « Je veux montrer que c’est possible », lance Jean-Luc Petit. « Tout fonctionne bien pour l’instant, mais ce n’est pas quelque chose de personnel. Tout le monde peut aller démarcher ces structures. À la condition que ce ne soit pas de la “grosse distribution”, mais un groupe qui respecte le travail. Il faut être sélectif, mais je crois qu’il est possible de créer un élan économique avec ce modèle… »
Utopiste ou simplement optimiste ? Quoi qu’il en soit, Jean-Luc Petit veut croire en l’avenir de l’artisanat.
Adrien Ortavent