En 1997, alors étudiant, je participais à la rédaction d’un mémoire sur la stratégie des entreprises de production de végétaux d’ornement en France. Force est de constater qu’une partie des conclusions alarmistes de ce mémoire se sont réalisées…
Dans un marché du végétal d’ornement en progression de +19,7% sur 10 ans (source Promojardin 2005-2015) porteur d’une image très positive dans l’opinion, la production nationale, sur la même période, se voyait amputer de 41% de ses entreprises, et d’une baisse de 22,53% de son chiffre d’affaires (source FranceAgriMer ).
Dans le même temps, la production française qui couvrait 60% de la demande intérieure, n’en offre plus que 40% !
Les raisons de ce déclin sont multiples. L’une des principales est structurelle : il n’y a pas de centralisation des informations du marché intérieur ! Ce qui se traduit par un déséquilibre entre l’offre et la demande…
En effet, pour réaliser un jardin, un paysagiste utilise des centaines de végétaux d’ornement très différents : rosiers, bambous, plantes vivaces, arbres tiges, plantes à massif, etc. Chaque plante est spécifique et nécessite des conditions de culture particulières. Et, il y en a tellement (le règne végétal = 400.000 espèces !) qu’un producteur ne peut pas à lui tout seul les “fabriquer”. Il doit donc être en “connexion” avec tout l’écosystème des producteurs si il veut répondre aux demandes de ses clients qui embrassent toute la diversité végétale.
En l’absence, d’une forme de coordination / coopération de l’offre nationale, les paysagistes vont s’approvisionner à l’étranger (Italie, Belgique, Pays-Bas, etc.). Car ces pays possèdent des mécanismes de regroupement de l’offre. Et le phénomène, ne cesse de s’accentuer au détriment des producteurs français qui perdent des parts de marché.
En France, le marché, en tant que système d’échange où se confronte l’offre et la demande, ne peut être réellement effectif qu’à proximité du lieu de production ; où physiquement les produits disponibles sont visibles. Et même si consommer local est très en vogue, actuellement, hors de la proximité des grandes agglomérations, la plupart des marchés locaux ne sont pas suffisants pour faire vivre correctement les producteurs.
Or rapprocher une offre et une demande, est précisément l’une des missions au cœur d’une Marketplace ! La Marketplace serait, en effet, un levier puissant au service de la transformation digitale des producteurs. Car, elle permet de regrouper sur un seul espace de transaction homogène les catalogues électroniques de centaines de sources et les régir par des processus unifiés.
Dans le modèle Marketplace, c’est le producteur qui vend directement son produit. Et le client a une vue globale sur l’offre. De plus, les marchés les plus propices au développement d’une Marketplace présentent 4 caractéristiques qui sont consubstantielles du monde horticole :
1. Marchés peu organisés et atomisés en amont comme en aval = potentiellement beaucoup de vendeurs (3600 producteurs) et beaucoup de clients (en particuliers les 29.000 paysagistes, les 35.353 communes, etc.)
2. Un nombre de références très important : le règne végétal !
3. Caractère artisanal des métiers – les principaux acteurs n’ont pas de capacité à massifier leurs achats et ne sont pas adhérent à des centrales d’achat = faible capacité de négociation des prix.
4. Secteur économique avec un faible niveau de coopération / connexion inter-entreprises
Une Marketplace qui relierait directement les producteurs et leurs acheteurs BtoB (paysagistes, collectivités, autres producteurs, etc.) permettrait de créer un vaste écosystème où l’offre et la demande pourraient se rencontrer.
La Marketplace serait juste la plateforme de désintermédiation au sein de laquelle s’effectue les transactions en prenant une commission sur chaque vente. Le producteur y reprend donc le pouvoir… Et leur investissement de base pour commercialiser sur la Marketplace est modique.
Un des modèles possible pourrait-être le suivant, mais il y en a bien d’autres :
Le marché du végétal s’y prête particulièrement bien car ce marché est très atomisé avec des centaines de milliers de références. Le succès de ManoMano (https://www.manomano.fr/) dans le bricolage doit interroger car ils ont su fédérer des dizaines de petits distributeurs / fabricants !
Notons que l’interprofession s’est emparée de ce sujet à travers deux initiatives : http://www.vegestock.com/ et https://www.floriscope.io/ qui permettent de localiser chez quels producteurs français sont les stocks.
Mais ces initiatives sont pour le moment limitées (40 producteurs inscrits sur 3600), incomplètes, consensuelles (pour ne froisser personne), non marchandes et non contraignantes. Elles mériteraient que des acteurs privés du secteur s’en emparent. Pour faire croître la communauté et entamer une réflexion holistique qui rendrait ces plateformes incontournables : logistique, centrale de paiement, assurance, outils de gestion et de productivité, etc. Comme dans tout écosystème, les datas, leur partage et leur circulation seront au cœur de la réussite.
Et nous en reparlerons…