Un champ de fleurs en libre-service, sans surveillance, où l’on vient payer son bouquet dans une petite urne : l’idée peut surprendre. Elle a germé dans la tête d’un Nordiste de 26 ans, Baudouin Bonduelle. En un an, une vingtaine de champs ont vu le jour, dont un début juillet, à Audinghen, près du cap Griz-Nez.
Sur la route du Cap, un large panneau « Self-service ». Une station essence ? Il n’y a qu’un vieux bunker et quelques vaches à l’horizon. Mais, à droite de la chaussée, des tournesols par centaines se donnent au soleil. Des rangées de dahlias et de glaïeuls complètent le tableau.
LA CUEILLETTE FLEURIE EN CHIFFRES
- 22 champs à travers le Nord et le Pas-de-Calais
- 5 000 m² la surface moyenne d’un champ de fleurs
- 10 variétés de fleurs proposées
- 40 000 glaïeuls sur le champ d’Audinghen
- 5 € le prix de 8 tiges de tournesol
On parle ici de « fleurs à cueillir ». Cueillette libre, non surveillée, mais pas gratuite : une urne en pierre, surmonté d’un panneau avec les tarifs, permet de laisser quelques sous en échange d’un bouquet, composé à sa guise.
Boutique à ciel ouvert
Ce champ, c’est d’abord l’histoire d’un « rêveur ». Baudouin Bonduelle, 26 ans, longiligne, le rire facile. Né à Renescure, il termine son BTS agriculture avec une envie : entreprendre. Baudouin a beaucoup voyagé en Europe après ses études, pioché des idées çà et là. « En Allemagne, ils ont des fruits et légumes en libre-service. Tu cueilles, tu paies. Je voulais ramener ça chez nous. »
Passionné d’horticulture depuis tout petit – « ma grand-mère adorait ça » –, il se lance et crée Cueillette fleurie. Pari risqué : son concept de « magasin à ciel ouvert », basé sur la confiance avec les clients, n’apporte aucune garantie financière. « Mon banquier m’a pris pour un rigolo », reconnaît Baudouin Bonduelle.
Mais le jeune homme va au bout de son idée. Le premier champ de fleurs, loué à un agriculteur, voit le jour chez lui, à Renesecure, en 2018. D’autres suivent, des Flandres jusque sur la côte, avec ceux d’Audinghen et Sangatte, ouvert début juillet.
« Les gens jouent le jeu. On est bien accueillis partout. »
Le bouche-à-oreille « marche bien », et les photos éclatantes sur les réseaux sociaux sont ses meilleures alliées. Pour gagner de l’argent, en revanche, « c’est plus compliqué ». Baudouin, épaulé par un employé et quelques saisonniers, doit sans cesse bichonner chaque champ pour le rendre « visible, propre, beau et accueillant ». Pour la confiance, le cœur de son projet, le responsable dit avoir un « contrat moral » avec les consommateurs. « Les gens jouent le jeu, poursuit-il. On est bien accueillis partout. »
Conquise
Ce matin-là, avant l’arrivée de Baudouin, personne n’est là pour surveiller Véronique. Elle se gare dans l’herbe, pioche un petit couteau dans une boîte près de l’urne et part faire sa cueillette en souriant. Six tournesols pour elle. Véronique habite une maison à Ambleteuse avec un petit jardin. « J’aime les fleurs. Je ne conçois pas une maison sans fleurs. »
Un voisin lui a parlé du champ. C’est la première fois qu’elle y vient. Elle salue le concept « génial », et les prix : « C’est bien moins cher que chez un fleuriste ! » Ses tournesols coûtent moins de quatre euros. Elle n’en a que trois en poche. Elle reviendra demain déposer le reste. « C’est promis ! De toute façon, je sens que je vais venir ici tout l’été ! »
L’air marin leur va si bien
Ouvert depuis le 6 juillet, le champ de fleurs d’Audinghen donne entière satisfaction à Baudouin Bonduelle. « Les résultats de floraison sont excellents, sourit-il. Surtout pour les glaïeuls ! » Le responsable de la société Cueillette fleurie l’assure : jamais, dans tous ses champs, ces fleurs aux milles couleurs n’ont poussé « aussi vite, aussi bien ».
La raison est liée au climat : « L’air marin accélère la poussée, on observe quasiment les mêmes résultats avec le champ de Sangatte. Le sol est plus sableux aussi, ça favorise les choses », souligne le jeune homme.
À Audinghen, le champ restera ouvert tous les jours, 24 h/24, jusqu’en octobre. L’an prochain, de nouvelles fleurs viendront remplacer les plantes actuelles ; des lys, tulipes et narcisses seront disponibles à partir du mois d’avril.