En 2024, les animaleries ne vendront peut-être plus que les graines, les croquettes et les os en plastique. Si l’interdiction de la vente de chiens et de chats en magasin fait (relativement) consensus, un amendement « flou » de la future loi contre la maltraitance animale pourrait également provoquer la disparition des cobayes, canaris ou poissons des rayons. 5.000 emplois sont menacés.
Même les aquariophiles sont résolus à faire des vagues. Parmi les articles les plus attendus de la proposition de loi contre la maltraitance, approuvée en première lecture par l’ Assemblée nationale la semaine dernière, figuraient ceux portant sur la vente d’animaux de compagnie.
Proposée par la majorité, la loi contre la maltraitance animale entend dissuader la vente d’animaux sur internet par des particuliers.
Elle comprend aussi cette mesure soutenue par le ministre de l’agriculture : « Pour lutter contre les achats impulsifs, notamment lorsqu’on cède face à un chaton ou à un chiot, nous allons mettre en place un certificat de connaissance où l’adoptant reconnaîtra les responsabilités qui lui incombent avant de s’engager », expose Julien Denormandie. Le ministre n’en a pas moins cherché à modérer les ardeurs des députés lorsqu’ils se sont attaqués frontalement au secteur de l’animalerie.
Plus d’êtres vivants dans les rayons ?
Un certain consensus avait été trouvé sur l’« interdiction de la vente de chiens et de chats en animalerie à partir de 2024 ». Le Royaume-Uni a déjà interdit leur commercialisation en magasin.
Une mesure à laquelle s’étaient résolues les grandes enseignes : « C’est probablement le sens de l’histoire », concède Etienne Bodin, délégué général de la Fédération des jardineries et animaleries.
Selon lui, sur 1.500 animaleries en France, seules « une trentaine vendent des chiens et des chats ». Or l’amendement portant sur l’interdiction de la vente des chiens et des chats, proposé par Loïc Dombreval (LREM-Alpes-maritimes), s‘appuie sur un article du code rural (L214-7) qui englobe tous les animaux de compagnie. En conséquence, les cochons d’Inde, les lapins, les poules ou poissons d’aquarium seraient également interdits à la vente.
« La liste des animaux concernés ne peut être établie que par décret gouvernemental, seuls les chiens et des chats ne seront plus vendus », assure-t-on dans l’équipe du député Dombreval.
Le « flou » de l’amendement ne convient pas aux professionnels qui voient se profiler la disparition pure et simple du « vivant » de leurs rayons.
Si l’essentiel du chiffre d’affaires est constitué des aliments et accessoires, des animaleries sans hamsters ou reptiles perdraient pour ainsi dire leur produit d’appel.
Les grandes enseignes de jardinerie trouveront peut-être des diversifications de substitution mais les indépendants sont menacés d’extinction : « Dans le secteur de l’aquariophilie on a beaucoup de magasins spécialisés », souligne Jean-Jacques Lorrain, secrétaire général de la fédération dédiée (fedeaqua).
Contrairement aux amateurs de chiens et de chats, les 25.000 à 30.000 passionnés de poissons d’aquarium n’ont pas de solution de repli chez les éleveurs.
« Un animal n’est pas une peluche »
Plus d’animaux en vitrine ou en rayon, ce serait une victoire pour les associations qui militent contre la « marchandisation » des êtres vivants.
La SPA, par exemple, dénonce les effets de mode autour de différentes espèces dites Nac (nouveaux animaux de compagnie) : « un animal n’est pas une peluche ni un jouet ». La SPA s’interroge aussi sur le sort réservé aux animaux invendus en magasin et notamment les chiots et chatons qui y atteignent l’âge adulte.
« Bizarrement, les sites internet spécialisés ne sont pas visés.
Cet amendement va encourager et faire exploser les filières illégales d’élevage et d’importation »
ETIENNE BODIN (Délegué général de la fédération des jardineries et animaleries)
À la tête du syndicat des animaleries, qui fédère plutôt des indépendants, Luc Ladonne estime que la future loi vise surtout à donner satisfaction à certaines associations : « Abandonner un animal de compagnie est déjà un délit, argumente-t-il, l’identification d’un animal vendu de façon légale est obligatoire, on peut donc savoir qui l’a abandonné. Pourquoi les associations ne portent-elles jamais plainte ? […] Quant à la vente par les particuliers, elle était déjà interdite au-delà d’une portée. On peut changer la loi, le problème est qu’il n’y a aucun contrôle de la part des services de l’État ».
Les organisations professionnelles ne cachent pas que l’animalerie offrait jusqu’ici de belles perspectives de croissance.
5.000 emplois sont menacés : « Il s’agit de personnes diplômées qui exercent avec passion leur rôle de conseil », soutient Etienne Bodin.
La moitié des foyers français dispose d’un animal de compagnie. L’affection pour les poils, les plumes ou les écailles est très partagée mais tous les « amis des animaux » n’ont décidément pas élevé les cochons (d’Inde) ensemble.