LE MONDE | • Mis à jour le Par Clément Lacombe
“Mignonne, allons voir si la rose…” Mais attention, le chemin risque d’être long. Car ces fleurs prennent de plus en plus l’avion. Les pays du Nord, longtemps seuls producteurs, sont concurrencés depuis peu par l’Amérique du Sud ou l’Afrique. Plus besoin de serres chauffées ; le coût du transport est compensé par les économies d’énergie. La production mondiale est désormais à 60 % néerlandaise, 20 % kényane, 5 % équatorienne, explique-t-on chez Thomas Fleurs, le deuxième grossiste français du secteur. Résultat, les importations de roses en France ont quasiment doublé en dix ans.
“VALEUR REFUGE DE LA FLEUR”
Au Kenya, la production de roses, exportée à 97 % vers l’Europe, génère 80 000 emplois directs, 500 000 indirects, et est devenue la première source de devisesdu pays. Alors, quand les avions-cargos restent scotchés sur le tarmac de Nairobi faute de pouvoir décoller vers le Vieux Continent, c’est tout un pays qui s’inquiète.
Coupée le lundi matin dans la vallée du Rift, la fleur décolle en temps normal le soir même de Nairobi avant d’être vendue le jeudi matin dans les échoppes françaises. Entre-temps, elle ont fait le détour quasi obligé par les six marchés au cadran du géant néerlandais FloraHolland. Une sorte de Wall Street de la fleur, avec ses écrans géants électroniques et ses traders derrière leurs ordinateurs ou pendus au téléphone. Mais ici, point de collateralized debt obligation (CDO) ou decredit default swaps (CDS). Juste 20 000 variétés différentes de fleurs acquises chaque jour par les 3 500 acheteurs. En 2008, environ 3,5 milliards de tiges de roses y ont transité.
“Quelque 60 % de la production mondiale de fleurs passent par les Pays-Bas”, explique Dominique Munier, directeur général de Monceau Fleurs, un réseau de 450 magasins en France. Et d’ajouter que “la rose, c’est la valeur refuge de la fleur. Quand le consommateur ne sait pas quoi acheter, il se tourne vers elle.” En 2008, la rose a représenté 69,2 % des sommes dépensées par les Français pour l’achat de fleurs coupées à la pièce, selon l’établissement public FranceAgrimer. Soit 451 millions d’euros.
Conséquence du blocus aérien, la rose kényane a vu son prix bondir de 25 %, explique-t-on chez Thomas Fleurs. La situation se normalise, mais à dix jours près, les conséquences auraient pu être “catastrophiques”. Car cette petite fleur accompagne souvent le bouquet de muguet, qui, lui, est produit à 85 % dans la région nantaise. Rien à craindre pour le 1er mai, même si Eyjafjöll refait des siennes.