Muguet, roses, hortensias, cyclamens, chrysanthèmes, géraniums, pensées, primevères, bulbes, plants potagers… En France, les Pays de la Loire sont le leader toute catégorie en plantes ornementales. Mais le premier bassin horticole tremble sur ses bases, ébranlé par trois longues années de crise.
Les printemps grisaille et les automnes diluviens se succèdent. « Quand il pleut, on n’a pas envie de mettre ses bottes et d’aller planter des végétaux », observe Christophe Thibault, président de la coopérative Fleuron d’Anjou.
La météo « pourrie » amplifie l’effet abrasif de la crise économique qui rogne le porte-monnaie des jardiniers amateurs et le budget consacré par les communes au fleurissement.
Les jardineries, par lesquelles transite le tiers des ventes de végétaux, sont désertées. Affaiblis par la chute des ventes, les 200 magasins Jardiland viennent d’être rachetés par le fonds d’investissement L-Gam, propriété de la famille princière du Lichtenstein. À Saint-Etienne, Jardi Expansion a cédé en catastrophe ses magasins Delbard, avant d’être liquidée fin janvier.
Dans ce contexte de lutte pour la survie, les enseignes spécialisées (Truffaut, Jardiland, Gamm vert, Botanic, Nalod’s…) se bagarrent férocement sur les prix. Elles n’hésitent pas à mettre en concurrence la production locale avec les fournisseurs étrangers, dont les coûts de production sont inférieurs de moitié.
Prix cassés et main-d’oeuvre sous-payée
Les Néerlandais cassent les prix grâce à des serres géantes ultra-mécanisées. Les Allemands bénéficient de la main-d’oeuvre sous-payée des pays de l’est de l’Europe. Italie et Espagne jouent aussi sur les bas salaires.
« Les centrales d’achat ne jurent que par le prix, déplore Claudine Oger, présidente de l’Union horticole de l’Anjou. Qu’on ait fait la plus belle fleur du monde avec le plus grand soin, cela reste leur seul critère d’achat. »
Toute la mécanique de la filière se grippe, soumise à un redoutable effet domino. Les banques ne s’y trompent pas : elles classent désormais l’horticulture comme « secteur risqué ». Les magasins gèlent les commandes. Les grossistes en plantes, intermédiaires entre les producteurs et les points de vente au détail, périclitent. À Avignon, le négociant Thomas fleurs (vingt salariés) a déposé son bilan. Les végétaux cultivés dans les serres ne trouvent plus preneurs.
« Depuis plusieurs années, on jette des plantes au lieu de les vendre. On paie des salariés, du terreau, de l’engrais, des jeunes plants. Et tout cet argent part à la poubelle ! », se navre l’horticultrice angevine.
« Des clients ont annulé leurs commandes en 2013. Ils baissent les prix et les quantités, confirme Henri Mercier, directeur général de Sicamus, leader européen de l’hortensia, près d’Angers. On se bat pour baisser les coûts. On mécanise. En dix ans, nous avons supprimé l’équivalent de vingt-deux emplois saisonniers. On puise dans les réserves. On se situe dans un tissu économique de PME où tout le monde est tenté de baisser les bras. »
Cinq solutions pour refleurir de plus belle au printemps
Signes de qualité. Le ministère de l’Agriculture réfléchit à un logo Fleurs de France. Les entreprises Turc et Terrena cultivent un dahlia Label rouge. Froger Fleurs livre des fleurs coupées sous marque Produit d‘Anjou avec l’appui du conseil général. Le label Plante bleue garantit une production respectueuse de l’environnement et des normes sociales.
Pacte végétal. Le marché des paysages et des espaces verts est approvisionné à 70 % par des plantes importées, déplore le Bureau horticole régional. Ce dernier demande aux collectivités de s’engager à acheter des végétaux produits localement.
Recherche. Le pôle Végépolys encourage les entreprises à collaborer avec les centres de recherche. Les principaux acteurs de l’hortensia cherchent les meilleures recettes culturales. Les rosiéristes de Doué-la-Fontaine s’associent aux plus fines gâchettes de la recherche angevine pour décrypter la carte d’identité génétique du rosier.
Innovation. Elle se déploie tous azimuts : coloris, résistance aux maladies, terreau enrichi en micro-organismes stimulateurs des racines, kit de plantation, vente en direct sur internet… On voit fleurir dans la région des étoiles de noël aux bractées immaculées, des hortensias aux tiges noir ébène, des roses bleues… La plante devient mur végétal, dépollue l’air intérieur…
Union. « Il faut se regrouper entre producteurs régionaux pour étoffer la gamme, remplir un seul camion au lieu de multiplier les expéditions individuelles », analysent les pépinières Ripaud (photo à gauche) au Cheffois (Vendée). Au sein de la société Plants d’Anjou, elles ont pu fournir le parc Terra Botanica en fougères arborescentes. Infaisable en solitaire. Uni’T et Végésupply visent une organisation collective des commandes et des livraisons.